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Ministère du Budget , Conakry-République de Guinée BP : 519 Email: communicationmdb@mbudget.gov.gn
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Parlons-économie :

L’inflation : qu’est ce qui cause l’inflation et quelles en sont les effets ?

Partie 2

Lors de notre précédente publication sur l’inflation, nous avions défini l’inflation et montré comment elle est mesurée en République de Guinée.  Dans cette seconde partie, nous allons traiter des causes et conséquences de l’inflation. 

Quelles sont les causes de l’inflation ?

Les causes de l’inflation sont multiples et variées. Elle peut vernir :

  • D’une hausse excessive de la quantité de monnaies : On parlera dans ce cas d’inflation monétaire. Cette forme d’inflation est due à l’augmentation de la masse monétaire (billets, pièces, dépôts à vue, bons du trésor…) par la Banque Centrale qui émet des billets de banques. Par l’octroi des crédits, les banques commerciales participent également à cette forme d’inflation. Le mécanisme est simple, les agents bénéficiaires des crédits ou de la monnaie supplémentaire mise en circulation voudront utiliser ces ressources supplémentaires pour consommer. Or si la demande augmente sans que l’offre ne puisse avoir le temps de s’ajuster (c’est le cas à court terme[1]), cela conduit à l’inflation. En effet, puisque les producteurs n’ont pas pu augmenter la production car elle met du temps à s’ajuster à la hausse, ils vont augmenter les prix de manière ramener au même niveau l’offre et la demande : on a donc une inflation qui a pour origine la masse monétaire.

Ce type d’inflation est souvent  lié à la mauvaise gestion de l’Etat qui recourt souvent à la technique de la « planche à billets » afin de réduire le montant de la dette publique à rembourser. Elle est très surveillée par les partenaires techniques et financiers comme le FMI.

  • D’une augmentation des coûts de production. Dans ce cas, on parlera d’inflation par les coûts ou encore d’inflation importée. Elle est liée à l’augmentation du prix des matières premières importées ou des produits finis importés. Prenons l’exemple du pétrole. Le prix de baril a fortement augmenté. Ainsi, les entreprises guinéennes qui utilisent le pétrole comme matière première feront le choix d’augmenter leurs prix puisque leurs coûts ont augmenté. En réalité, elles absorbent une partie et répercute une partie.
  • D’une hausse excessive de la demande. Les économistes parlent dans ce cas d’inflation par la demande. Cette forme l’inflation provient d’un déséquilibre entre l’offre et la demande pour un ou plusieurs produits. En effet, si la demande est supérieure à l’offre, alors les prix augmenteront mécaniquement afin qu’un point d’équilibre soit trouvé. Si l’offre est incapable de répondre à la demande, c’est souvent le cas à court terme, alors la rareté du produit fera que les prix pourront continuer d’augmenter ce qui créera donc de l’inflation.
  • D’une indexation des salaires sur l’inflation. Cette inflation par indexation a beaucoup existé dans les pays occidentaux où les salaires, les pensions étaient indexées sur l’inflation. Elle est quasiment inexistante en Guinée. Toutefois, les syndicalistes réclament régulièrement que les salaires et pensions soient indexés sur l’inflation. Cela permettrait aux salariés de maintenir au moins leur pouvoir d’achat dans la durée. Toutefois, pour l’Etat, un tel choix peut compliquer la gestion de l’inflation. Car à chaque hausse de l’inflation, l’Etat devra augmenter les salaires, augmentation qui accroit les pressions inflationnistes (inflation liée aux couts, voire monétaire).
  • D’un manque de confiance en la monnaie : La valeur d’une monnaie dépend également de la confiance qu’on lui accorde. Sur les marchés financiers, le manque de confiance en une monnaie se traduit par la chute de son cours de change. Si par exemple les investisseurs sont méfiants envers le franc guinéen pour quelques raisons que ce soit, alors la valeur de notre monnaie par rapport aux autres monnaies va baisser[2]. En perdant de sa valeur, cela va favoriser l’inflation. En effet, il faudra par exemple payer plus de francs guinéens pour importer des produits des autres pays.
  • D’une  politique monétaire : La baisse des taux directeurs par la banque centrale augmente mécaniquement l’inflation. En effet, d’une part la monnaie va se déprécier car la devise nationale devient moins rémunératrice et d’autres parts, les banques commerciales vont emprunter massivement auprès de la banque centrale (le coût de l’argent étant moins élevé). De plus, les banques commerciales vont elles-mêmes prêter davantage aux acteurs économiques ce qui créera d’autant plus d’inflation.

Les causes inflationnistes sont donc multiples. Ainsi, la lutte contre l’inflation ne peut se résumer à la seule politique monétaire.

Quelles sont les conséquences de l’inflation ? Et pourquoi elle fait tant peur ?

Les conséquences sont nombreuses mais pas toujours négatives :

  • Hausse des salaires : Bien que les salaires ne soient pas indexés sur l’inflation, une hausse de l’inflation entraine une pression à la hausse des niveaux de salaire. En effet, l’inflation érode le pouvoir d’achat des travailleurs qui vont se mobiliser pour restaurer leur pouvoir d’achat. Cela peut conduire à des tensions sociales fortes.  Il faut garder à l’esprit que si les salaires augmentent plus vite que les prix, alors les ménages s’enrichissent. A l’inverse, si les salaires augmentent moins vite, alors il y a une perte de pouvoir d’achat.
  • Allègement de la dette pour les débiteurs : 1 GNF aujourd’hui ne vaut pas 1 GNF de demain. En cas d’inflation, 1 GNF de demain vaudra moins que 1 GNF d’aujourd’hui. Ainsi, si vous avez un emprunt bancaire à taux fixe, le montant à rembourser chaque mois sera identique mais cela représentera une part moindre dans votre budget. Les Etats utilisent parfois cette technique pour réduire le poids de la dette publique que l’Etat doit rembourser à ses créanciers. Toutefois, cela aboutit à la perte d’une partie de la valeur de la dette pour les créanciers (préteurs)
  • Favorise les exportations : L’inflation favorise l’exportation de nos produits. En effet, l’inflation fait que la valeur de notre monnaie se déprécie face aux autres monnaies et donc cela coûte moins chère aux importateurs étrangers d’acheter nos produits. L’inflation pourrait donc dynamiser l’activité économique de notre pays et créer à terme de nouveaux emplois afin de répondre à la demande supplémentaire.
  • Nuit aux importations : A l’inverse, l’inflation est néfaste pour les importateurs qui paieront plus cher pour importer les produits étrangers du fait de la dépréciation de la monnaie face aux devises étrangères. Si un pays à une forte dépendance énergétique ou pour sa consommation alimentaire courante envers l’extérieur, alors l’inflation aura pour effet de lui augmenter sa facture énergétique ou de consommation en biens étrangers.
  • Signe d’une bonne santé économique d’un pays: L’inflation en soit n’est pas mauvaise car elle est signe de croissance économique. La croissance s’accompagne presque toujours d’une hausse de l’inflation. Parfois, nous avons vu, elle nourrit la croissance. Toutefois, cette inflation doit être modérée et ne pas dépasser le taux de croissance du PIB[3]. Le taux de croissance réel d’un pays se calcul de la manière suivante : taux de croissance du PIB nominal – Taux de croissance de l’inflation.

Si le taux d’inflation est supérieur au taux de croissance du PIB, alors l’économie réelle est en récession.

  • Favorise les détenteurs d’actifs: L’inflation accroît la valeur de votre bien immobilier. En effet, s’il y a hausse des prix, celle-ci se généralise à l’ensemble des biens et services et la valeur de votre bien immobilier sera donc plus importante. Pour les autres types d’actifs, le principe est le même. A l’inverse, les investisseurs paieront eux plus cher pour acquérir un bien ou un actif.

Faut-il souhaiter un niveau d’inflation nul ou négatif ?

La réponse est non.

Une inflation nulle veut dire que les prix n’augmentent pas. Une inflation négative veut dire que les prix baissent.  La baisse des prix ici et là peut constituer certes une bonne nouvelle mais un tel phénomène peut aussi être  extrêmement dangereux, s’il se généralise. Dans ce cas, on parlera de déflation : c’est-à-dire une baisse généralisée des prix sur l’ensemble des biens et services

Or, une baisse généralisée des prix entraîne automatiquement une baisse de la production car les entreprises en voyant les prix chuter vont décider de produire moins car elles font moins de profits et pour éviter les pertes. Si les entreprises produisent moins, voire ne produisent plus, cela se répercute sur l’emploi et les salaires.

C’est pourquoi, un certain niveau d’inflation n’est pas mauvais en soit. Il ne faut pas perdre de vue que l’inflation stimule l’activité économique pour les raisons contraires de la baisse des prix : les entreprises investissent car elles gagnent plus. Les ménages eux, se dépêchent d’acheter pour ne pas devoir payer plus cher demain.

Que faut-il en conclure ?

En premier lieu, il convient d’être prudent dans l’analyse de l’inflation en raison des limites liées à son mode de calcul. Bien que la plupart des consommateurs voient l’inflation comme le mal incarné, l’inflation est parfois bienfaisante. Au final, l’inflation, c’est comme les microbes. L’important, c’est de distinguer les microbes pathogènes des souches bénéfiques.

C’est pourquoi,  la gestion de l’inflation doit se faire de manière minutieuse. Les études d’impact devraient précéder les prises de décisions pour éviter de tuer les souches bénéfiques.

Mamadou Barry, Économiste, Ph.D

Assistant du Ministre du Budget

Expert en Gouvernance économique 

mbarry@mbudget.gov.gn

mamunbar@yahoo.fr

L’inflation : qu’est-ce que c’est ? Et comment elle est mesurée ?

Partie 1

Pourquoi traiter de l’inflation ?

Lors de publications antérieures portant sur la Loi de finances[1], nous avions parlé de déficit budgétaire (fait pour l’État de dépenser plus que ce qu’il gagne).  Ce déficit correspond à un déséquilibre[2]. Il existe d’autres types de déséquilibres économiques : inflation, chômage, déficit du commerce extérieur, etc., que l’Etat régule ou combat au moyen de politiques économiques appropriées.

Nous nous intéressons cette fois-ci à l’inflation dont on parle beaucoup surtout à l’approche du mois de ramadan mais souvent avec d’autres mots plus courants dans l’expression populaire : flambée des prix, hausse des prix, etc.

Alors qu’est-ce que c’est que l’inflation ? Comment la mesure-t-on ? Pourquoi son niveau ne reflète-t-il pas « certaines réalités » du terrain ? Qu’est-ce qu’il faut garder à l’esprit pour bien interpréter les mesures de l’inflation ? C’est, entre autres, à ces questions que nous tenterons de répondre dans cette publication. Dans une publication ultérieure, nous aborderons les causes et les conséquences de l’inflation.

Qu’est-ce que l’inflation ?

On parle d’inflation lorsque nous assistons à une hausse durable du niveau général des prix. Elle correspond à un déséquilibre sur le marché des biens et services.  Le marché d’un bien ou d’un service est le lieu de rencontre de l’offre et de la demande où se fixent le prix et les quantités échangées ; comme ce lieu n’est pas forcément un lieu réel, concret, on peut définir le marché comme la rencontre d’une offre et d’une demande où se fixent le prix et les quantités échangées

Quelle est la situation actuelle de l’inflation en Guinée ?

Le graphique ci-dessous montre que l’inflation a baissé de plus de 21% en 2011 pour se stabiliser juste au-dessus de 8% depuis 2015. L’Etat projette que cette inflation va encore baisser pour atteindre 8% en 2020. Toutefois, contrairement à ce que pense plus d’un, une baisse de l’inflation ne signifie pas une baisse de l’ensemble des prix, mais plutôt un ralentissement du rythme d’accroissement des prix. Ce qui rend l’avenir plus prévisible. Ainsi, dire que le taux d’inflation va baisser d’ici 2020 signifie que les prix augmenteront dans l’ensemble de moins en moins vite d’ici 2020. Un ou deux prix peuvent bien sûr baisser !

Source : cadrage macroéconomique

Comment l’inflation est calculée ?

 

En Guinée, l’inflation, qui est une hausse durable du niveau des prix, est mesurée par l’Institut National des Statistiques (INS). Cette institution dépend du Ministère du Plan et de la Coopération. L’indicateur utilisé pour mesurer l’inflation est  l’indice des prix à la consommation[3]. Le calcul de l’indice des prix à la consommation se fait à partir d’un panier moyen de biens. Ce panier regroupe « en théorie » tous les biens et services consommés régulièrement par les ménages. A titre d’exemple, on peut citer les fonctions de consommation suivantes :

  • Produits alimentaires, boissons et tabac
  • Articles d’habillement et articles chaussants
  • Hôtels, cafés, restaurants
  • Logement, eau, électricité, gaz
  • Transports
  • Santé

 

 

Concrètement, comment l’INS calcule l’indice des prix à la consommation ?

L’INS effectue une enquête chaque mois pour mesurer l’indice des prix à la consommation (IPC). Cette enquête porte sur un échantillon[4] de l’ensemble des ménages africains de l’agglomération de Conakry. Pour cette population, l’INS observe la composition du panier de consommation et évalue les prix. Le panier de la ménagère étudiée comprend 312 variétés. Toutes ces variétés sont suivies dans 364 points d’observations. Au total, 3207 relevés de prix sont effectués chaque mois par les enquêteurs de l’Institut National de Statistique.

Pour mesurer l’évolution des prix, il faut une période de référence. La situation actuelle doit être comparée à celle de cette période. La période de base ou de référence de l’IPC est l’année 2002 et les pondérations de l’indice proviennent d’une enquête sur la pauvreté en 2002/2003 auprès de plus de 7612 ménages. Une fois que toutes les informations sont mobilisées, une application informatique « CHAPO » fait le calcul. Elle fournit aussi bien l’évolution mensuelle que celle annuelle de l’indice.

Qu’est ce qui fait le niveau de l’inflation suscite toujours des débats ?

Une réponse simple peut être formulée comme suit : cela est dû à la manière dont l’instrument de mesure de l’inflation (l’indice des prix à la consommation) est calculé. L’indice des prix à la consommation est une moyenne sur un panier moyen qui concerne le « guinéen moyen ».  Or les guinéens ne consomment pas la même chose, certains prix vont augmenter plus que d’autres et tous les produits composant le panier n’ont pas le même poids dans le calcul de l’indice. Ce qui fait que l’inflation va être différemment ressentie selon les catégories de la population.

A titre d’exemple, examinons, l’indice des prix à la consommation du mois de mars 2018. Pour le mois de mars 2018, l’indice des prix à la consommation des ménages enregistre une hausse de 1 % par rapport au mois précédent (février). La note de l’Institut National des Statistiques du mois de mars indique que « cette hausse tire essentiellement son origine de la variation des prix au niveau des fonctions de consommation suivantes : « Produits alimentaires, boissons et tabacs » (1,2%), « logement, eau, électricité, gaz et autres combustibles » (1,3%) « Santé » (1,1%), « habillement » (0,4%), « ameublement » (0,3%), « Loisirs, spectacles et culture » (0,5%) et « hôtels, cafés, restaurants » (0,4%) ». La faible progression des prix qui portent sur l’ameublement ou les hôtels fera que la progression de la moyenne des prix (inflation) ne sera pas forte.  Or, le fait que les prix hôteliers et de certains loisirs évoluent peu n’intéresse pas vraiment les pauvres. Ils sont intéressés beaucoup plus par les produits alimentaires. Mais ce n’est pas le seul problème, la méthode actuelle de calcul comporte d’autres limites qui alimentent le débat.

Quelles sont les limites de la méthode actuelle de calcul de l’inflation en Guinée ?

Les limites de l’indice des prix à la consommation tel qu’il est construit en Guinée sont les suivantes :

  • Les pondérations du panier de l’indice des prix sont trop vieilles. Le calcul de l’indice se fait à partir de deux éléments : les prix et les pondérations. La pondération d’un produit dans le panier reflète son importante relative dans la consommation des ménages. Ainsi, les prix les plus consommés, en termes de quantité, ont plus de poids dans le calcul de l’indice. Nous avons indiqué plus haut que la période de base de l’IPC est l’année 2002 et les pondérations de l’indice proviennent d’une enquête qui date de 2002/2003. Or le panier de consommation du guinéen en 2018 a pu fortement évoluer depuis 2002.
  • Les pondérations et les prix concernent exclusivement la ville de Conakry.En raison des difficultés logistiques liées au recueil d’informations sur les prix à l’intérieur du pays (notamment dans les zones rurales), l’INS enregistre seulement les prix pratiqués à Conakry. Les pondérations sont également produites à partir de la structure de consommation des ménages vivant à Conakry. Or même si les ménages de Conakry consomment à peu près les mêmes produits que ceux de l’intérieur du pays, les proportions de ces produits ne sont pas forcément les mêmes dans les menus à Conakry et à l’intérieur du pays.
  • L’indice des prix à la consommation (IPC) ne reflète pas les modes de consommation des pauvres.Tel qu’il est calculé, l’IPC attribue, dans le calcul de la moyenne, un poids aux ménages qui consomment le plus. Le poids des ménages varie donc selon leur niveau de consommation. Ainsi, un ménage qui dépense 1 000 000 de GNF par mois aura un poids 10 fois supérieur à celui d’un ménage qui dépense seulement 100 000 GNF par mois[5]. Cela vient du fait que les données sur les prix utilisées pour calculer l’IPC sont recueillies auprès des commerces et non des ménages. Par conséquent, les pondérations de l’IPC sont généralement représentatives des ménages se situant au-dessus du seuil de pauvreté. Cependant, l’INS est loin d’être le seul à utiliser cette méthode.

Que faut-il retenir ?

De manière générale, dans un pays où les inégalités sociales sont fortes et où les habitudes de consommation sont si variées, il est peu probable que la moyenne reflète une catégorie sociale réelle et importante. Ainsi, le fait d’entendre certains de nos compatriotes dire qu’eux ne ressentent pas la baisse de l’inflation n’est en rien surprenant. Mais cela ne veut pas dire non plus que le Gouvernement ment quand il dit que l’inflation a fortement baissé ces dernières années pour se stabiliser autour de 8%.

Il faut noter également que ce débat autour du ressenti ou pas de la baisse de l’inflation ne concerne pas que la Guinée. Il touche aussi bien les pays développés que ceux en développement. Enfin, il serait utile d’utiliser des données de référence plus récentes, cela renforcerait le réalisme des statistiques. Les années 2000 sont trop loin pour être pertinentes.

Dans le prochain article, nous allons traiter des causes et des conséquences de l’inflation pour mettre en exergue quelques idées reçues du genre « une baisse durable des prix est bonne pour une économie » ou que « l’inflation est toujours mauvaise ».

 

Mamadou Barry, Économiste, Ph. D

Assistant du Ministre du Budget

Expert en Gouvernance économique 

Chercheur Associé au CLERSE- Université Lille1.

mbarry@mbudget.gov.gn | mamunbar@yahoo.fr

https://www.mbudget.gov.gn/index.php/category/parlons-economie/   ; http://www.visionguinee.info/2018/04/27/la-loi-de-finances-en-francais-facile-partie-ii/; http://www.visionguinee.info/2018/04/21/la-loi-des-finances-en-francais-facile-partie-i/

La loi de Finances en français facile

Partie II

Dans cette seconde partie, nous allons traiter des enjeux de la Loi de Finances et des questions de déficit budgétaire, une des maladies des Etats qui, si elle est mal traitée, gangrène toute l’économie nationale.

  1. La Loi de Finances : quels enjeux ?

Nous avons vu dans un article antérieur que la Loi de Finances détermine, pour un exercice [en Guinée, une année civile], la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte.

En quoi le projet de Loi de Finances est si important ? La Loi de Finances est importante pour deux raisons :

  • C’est un acte de prévision, c’est-à-dire que l’on peut avoir, à partir du budget, une projection de la situation financière de l’Etat et ainsi anticiper les politiques économiques qui seront initiées.

 

  • C’est un acte d’autorisation, c’est-à-dire qu’aucune dépense ou recette n’est légale si elle n’est pas inscrite en Loi de Finances, donc adoptée par les parlementaires.[1]

Parmi les indicateurs analysés par les spécialistes pour anticiper les politiques publiques futures, figure en première ligne le déficit budgétaire.

  1. C’est quoi le problème avec le déficit budgétaire ?

Avant de revenir sur les problèmes engendrés par le déficit budgétaire, il est important de définir cette notion. On parle de déficit, lorsque les dépenses sont supérieures aux recettes.[2] Le déficit représente donc un besoin de financement des administrations publiques. Il survient souvent lors des périodes de récession. En période faste, donc de croissance, l’Etat comme les acteurs privés (ménages ou entreprises) ne dépenserait pas plus que ce qu’il gagne[3].

La théorie keynésienne[4] enseigne qu’à défaut d’inciter les entreprises à investir en période de crise, c’est à l’Etat d’investir pour relancer l’économie et la croissance. L’idée est que les grands projets de l’Etat vont permettre de relancer l’emploi, la consommation et enfin l’activité économique des entreprises. Ainsi, en général, les Etats en récession s’autorisent des dépenses d’investissement plus importantes que les recettes avec à termes une projection de couverture de ces dépenses de trois (3) manières :

  1. Soit en augmentant les impôts. C’est la méthode la plus simple théoriquement mais la plus difficile politiquement à assumer. Car une augmentation des impôts risque de fragiliser la compétitivité des entreprises et elle est rarement appréciée des ménages. De ce fait, une telle augmentation conduit souvent à des graves crises sociales et politiques dans les pays en développement en raison des conditions de vie déjà difficiles (faiblesse des revenus) et de la fragilité des institutions.
  2. Soit en demandant de l’aide extérieure. La difficulté avec les appuis extérieurs est qu’il faut cibler des projets bien précis pour être éligible à la demande. Il arrive que ces projets ciblés par les bailleurs ne cadrent pas avec les priorités du pays bénéficiaire. En plus, l’aide est assortie de conditionnalités, c’est dire que les partenaires techniques et financiers (PTF) vont exiger des garanties sur leurs investissements, donc demander à l’Etat d’appliquer une certaine politique économique. Et en général, cela revient de manière déguisée à augmenter les impôts et à réduire certaines dépenses sociales. Donc, il y a un risque important pour les pays en déficit de se retrouver dans un « cycle infernal ».
  3. Soit par l’emprunt. La contrainte avec l’emprunt vient de la charge financière supplémentaire que l’Etat devra supporter, mais pas que. Ici aussi les conditionnalités fixées par les créanciers, comme pour l’aide, risquent de placer le pays déficitaire dans un « cycle infernal » en conduisant l’Etat à consacrer une part de plus en plus importante du budget au remboursement des intérêts dans les années à venir.

 

  1. C’est quoi le cycle infernal ?

Pourquoi, parle-t-on de « cycle infernal » ? Partons d’un contexte de ralentissement de la croissance ou récession marqué par un déficit public : on va dire la Guinée de 2015. Si on augmente les impôts pour des entreprises déjà fragiles, l’Etat va alourdir leurs charges. Pour survivre, ces entreprises vont supprimer des emplois et ralentir leurs investissements. Cela conduit à termes à une baisse de la consommation et des activités. L’économie nationale perdra ainsi en productivité et en compétitivité.

Aussi, des entreprises et des particuliers fragilisés par les hausses d’impôts risquent à termes de ne pas honorer les payements que l’Etat leur demande. L’Etat pourrait ainsi se retrouver en faillite, c’est-à-dire être sans ressources pour honorer ses engagements. Il faut donc être extrêmement vigilant dans la gestion des déficits.

C’est un tel cycle qui est redouté par le secteur privé national et étranger et par les partenaires techniques et financiers, notamment le FMI.

  1. Que faire contre le déficit ?

S’il est vrai que le déficit, c’est-à-dire dépenser plus que ce que l’Etat dispose, permet de relancer l’activité économique, c’est un instrument à utiliser de manière temporaire. Ça doit être également un outil contrôlé. Quand le déficit devient problématique, il va falloir prendre des mesures :

  • La première est d’équilibrer le budget, c’est-à-dire que l’on ne dépensera que ce que l’on pourra effectivement mobiliser en recette.
  • A défaut, il faut maitriser ce déficit. C’est le cas de l’UEMOA ou` l’on essaye de limiter le déficit à 3% du PIB (zone CFA d’Afrique de l’Ouest).

Un des axes majeurs du programme avec le FMI est la maitrise de ce déficit.  Cela conduit régulièrement l’Etat à maitriser les dépenses afin de les aligner au niveau des recettes : il s’agit souvent des régulations budgétaires si impopulaires et si critiquées dans les médias.  Les médias utilisent souvent les termes de « coupes budgétaires ». La nécessité de prendre de telles décisions, pourtant prévues par la loi, explique une bonne partie de l’impopularité des Ministres en Charge des Finances et de Budget auprès de leurs homologues ou auprès de l’opinion nationale.

  1. Et si les députés disaient non ?

Une fois que le Gouvernement a fini de préparer le budget et l’a soumis au Parlement, les Députés peuvent dire non avec des propositions d’amendements. Dans ce cas, ils proposent des amendements.  Dans le cas d’un refus sans amendements, il y a un risque au niveau des dépenses car tout serait interdit (pas de salaires payés, pas de dettes remboursées, pas d’investissements possibles, …).  La collette des recettes devient également illégale (aucune possibilité de prélever l’impôt, de contracter des emprunts ou de demander une quelconque aide extérieure, …).

Heureusement, quand les députés refusent les propositions qui figurent dans la loi de finances, ils doivent faire des amendements. La constitution prévoit en ses articles 75 et 76 également des possibilités pour l’exécutif de prendre des ordonnances si le budget n’est pas voté dans les délais par l’Assemblée Nationale.

  1. Et après ?

Le cycle décrit plus haut correspond au cycle préparatoire, avec passages au Parlement, qui se déroule de novembre à décembre de l’année N. De janvier à décembre de l’année N+1, le budget est exécuté.  C’est pourquoi le budget est préparé en l’année N pour être exécuté en l’année N+1.

Toutefois, en cas d’insuffisance de ressources sur certaines lignes budgétaires, l’Etat peut procéder à des mouvements règlementaires de crédits : supprimer des crédits sur certaines lignes pour en compléter d’autres. Dans ce cas, l’Etat soumet au parlement une Loi de Finances Rectificative en cours d’année pour des fins de régularisation.

Et puis, à la fin de l’exercice budgétaire, le contrôle est effectué par le Parlement.  Ce contrôle est exercé par les députés à travers la Loi de Règlement. Si la Loi de Finances ne contient que des sommes prévisionnelles, la Loi de Règlement contient l’état réel des dépenses et des recettes qui ont été réalisées. Cette Loi doit approuver la gestion et l’exécution du budget par les services de l’Etat.  L’objectif est de permettre aux députés de vérifier la bonne gestion du budget. Le vote de la Loi de Règlement intervient entre janvier et juin de l’année N+2.

Le dépôt d’un projet de loi de Règlement pourrait constituer un bon objectif à court ou moyen terme de l’équipe économique du Gouvernement. Souhaitons que cette équipe puisse l’atteindre !

 

Mamadou Barry, Économiste, Ph. D

Assistant du Ministre du Budget

Expert en Gouvernance économique 

Chercheur Associé au CLERSE- Université Lille1.

mbarry@mbudget.gov.gn

mamunbar@yahoo.fr

La loi de Finances avec des mots simples

Partie I

 Pourquoi aborder la Loi de Finances avec des mots simples ?

Les medias guinéens traitent régulièrement de la Loi de Finances. Pourtant, malgré cette ultra médiatisation, peu de personnes savent ce qu’est une loi de finances, quel est son contenu ? Comment est-ce qu’elle est élaborée ? ….

C’est l’objectif poursuivi par cet article. La raison tient au fait que la Loi de Finances constitue pour le citoyen un outil fondamental pour exercer non seulement son devoir de citoyen, mais aussi son pouvoir de citoyen.

En effet, avec la Loi de Finances, le citoyen peut mesurer l’action gouvernementale. La Loi de Finances permet d’apprécier rigoureusement l’utilisation qui est fait des deniers publics ou de vérifier sérieusement si les promesses électorales ont été tenues ou sont en train d’être tenues.

En gros, un citoyen ou un politicien qui voudrait participer à un débat de politique publique sans réellement connaitre quelques notions sur la Loi de Finances, ce serait comme quelqu’un qui débarque dans un pays étranger sans connaitre les mots essentiels à sa survie.

Ainsi, il est important d’évoquer ici quelques notions importantes pour permettre à tout un chacun de s’imprégner de ce qu’est une Loi de Finances sous forme de question-réponse.

  1. Est-ce que Loi de Finances est une loi ?

Oui, c’est une vraie loi. Comme toutes les lois, elle est votée a l’assemblée nationale. Elle oblige aussi bien le gouvernement que les populations. La seule grande particularité de la Loi de Finances par rapport aux autres lois, c’est d’être annuelle. C’est-à-dire que les articles de loi qui sont votés auront une portée annuelle.

  1. Qu’est-ce qu’on y trouve ? De quoi ça parle ?

A travers le vote de la Loi de Finances, les députés autorisent le gouvernement à exécuter les recettes et les dépenses inscrites dans le budget de l’Etat.  Exécuter les dépenses revient à effectuer les dépenses inscrites dans le budget, alors qu’exécuter les recettes consiste en une grande partie à lever les impôts et taxes et mobiliser les aides internationales.

  1. C’est quoi le budget de l’Etat ?[1]

Le Budget de l’Etat correspond à l’ensemble de ses ressources et de ses dépenses. Comme pour le budget de ménages ou d’entreprises, il est constitué des dépenses et des recettes. La seule particularité est que les dépenses et les recettes sont en lien avec les fonctions régaliennes de l’Etat, à savoir : la sécurité, la justice, l’éducation, la santé, la construction d’infrastructures.

Ce sont des charges financières et des investissements qui pour être financés devront trouver des ressources. La première ligne de ressources pour l’Etat ce seront les impôts, la TVA, la taxe pétrolière, … Ensuite viennent les dotations et autres subventions extérieures. Ici ce sont des dons.[2] Il n’y aura pas de remboursement de capital.  La particularité est que ces ressources visent des projets bien précis, soit la construction d’une école, d’un hôpital, d’une route, … Mais elles sont conditionnées par les bailleurs par l’application par l’Etat d’une certaine politique économique et sociale.

Aussi, comme les entreprises et les particuliers, l’Etat a également la possibilité de recourir à l’emprunt, donc de solliciter les banques ou d’émettre des titres comme les bons du trésor.

Dépenses Recettes
Sécurité, justice Impôts et taxes
Education, santé, actions sociales Dotations et subventions extérieures
Infrastructures routières et pôles de croissance économiques Emprunt (crédits bancaires, Bons du trésor, …)

 

  1. Qui fait quoi lors de l’élaboration de la Loi de Finances ?

Avant d’être votée par les députés, tout commence par les fonctionnaires de l’Etat qui vont lister les besoins et les chiffrer, c’est-à-dire évaluer ce que cela coûte[3]. La liste sera évidemment non exhaustive.

Cependant, compte tenu des contraintes de ressources (recettes fiscales et possibilité d’emprunt, …), les Ministres vont être obligés de faire des arbitrages, c’est-à-dire de faire des choix et de prioriser les dépenses. Tout cela est validé en conseil de Ministres.

[1] Nous l’avions traitée antérieurement dans un article entier, mais il est important d’y revenir ici de manière sommaire pour ne pas trop disperser le lecteur.

[2] L’Etat dispose de recettes administratives en plus des recettes fiscales et des aides. Il s’agit de ce que nous les citoyens payons pour obtenir un passeport, un permis, …. Ou pour légaliser nos documents.

[3] Cette étape est appelée par les professionnels du budget « programmation ».

Une fois l’arbitrage effectué, le budget peut être proposé aux députés, sous forme de projet de Loi de Finances, qui vont accepter au pas de le valider. Dans le cas où le projet de Loi n’est pas validé par les députés, alors ces derniers peuvent proposer des modifications.[1]  En résumé, dans le cadre l’élaboration de Loi de Finances, les services ministériels proposent et les parlementaires en disposent.

A la lumière de tout ce qui précède, il apparait que la Loi de Finances détermine, pour un exercice [en Guinée, une année civile], la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte.

Maintenant que les notions importantes sont connues, nous allons dans le prochain article, toujours sur la Loi de Finances, traiter des enjeux de la Loi de Finances et des questions de déficit budgétaire, une des maladies des Etats qui, si elle est mal traitée, gangrène toute l’économie nationale.

 

Mamadou Barry, Économiste, Ph. D

Assistant du Ministre du Budget  Expert en Gouvernance économique  Chercheur Associé au CLERSE- Université Lille1. mbarry@mbudget.gov.gn   mamunbar@yahoo.fr

Le Budget de l’Etat : Comment ça marche ?

L’objectif de cet article est de permettre aux citoyens guinéens qui le désirent de mieux cerner ce qu’est un budget de l’Etat.

Le budget de l’Etat est constitué de recettes et de dépenses.

Pour ce qui est de la Guinée, les recettes fiscales représentent plus de 80 % des recettes de l’Etat[1]. Les recettes fiscales[2]  se décomposent essentiellement en impôts sur les revenus, les sociétés et le patrimoine,  et les taxes sur la valeur ajoutée ou sur les produits pétroliers.

Les dépenses en Guinée sont quant à elles de deux (2) grandes natures :

  1. Les dépenses de fonctionnement (salaires, les dépenses d’interventions sociales et économiques grâce a des subventions et transferts mais aussi les dépenses internationales comme celles effectuées pour l’Union Africaine (UA), le paiement des intérêts de la dette, …) ;
  2. Les dépenses d’investissement (équipements, centrales hydroélectriques, routes, …).

Pourquoi le paiement de la dette et de ses intérêts ? Depuis plusieurs années, l’Etat guinéen dépense plus qu’il ne perçoit. On dit qu’il est en déficit budgétaire. L’Etat s’est endetté pour faire face à cette accumulation de déficits.  Dans la zone UEMO, les Etats se sont engagés à respecter un déficit budget inferieur à 3% du PIB. Pour ce qui est de la Guinée, un objectif semblable est défini par le Gouvernement chaque année en concertation avec les partenaires techniques et financiers (PTF) de la Guinée[3].

Pour réduire son déficit, l’Etat a deux leviers : l’augmentation de ses recettes ou la réduction de ses dépenses. C’est le gouvernement et le parlement qui déterminent quel levier à privilégier lors de l’élaboration du budget.

Pour cela, de janvier à septembre tous les Ministères participent sous la coordination du Ministère du Budget à la préparation du budget de l’année suivante dans ce qu’on appelle le Projet de loi de finances. La loi de finances doit ensuite être adoptée par le parlement, puis promulguée par le Président de la République avant le 31 décembre de l’année en cours.

Tout au long de ce processus, des institutions indépendantes comme la Cour des Comptes ou les PTF exercent un certain contrôle.

Pour établir le Budget, le Gouvernement doit tenir compte des prévisions de croissance[4]. En effet, si l’activité économique ralentie et que le chômage augmente, les recettes fiscales de l’Etat diminue. Pire, certains de ses dépenses augmenteront, notamment celles qui portent sur l’assistance aux pauvres.  Réciproquement, les choix en matière budgétaire ont des effets sur l’activité économique. En effet, si l’Etat dépense davantage en investissement afin d’améliorer les infrastructures publiques, notamment celles ayant des effets d’entrainement économiques forts, cela peut avoir un effet positif sur la consommation, les échanges et la croissance.  Ceci est vrai aussi dans certaines conditions si l’Etat augmente les prestations sociales afin de rehausser le pouvoir d’achat des ménages. Les dépenses sociales peuvent tirer la consommation et la croissance vers la hausse.

Les orientations retenues dans le budget sont déterminantes pour les politiques publiques dont l’objectif est de satisfaire les besoins des populations. Il est donc essentiel qu’elles soient analysées et discutées dans les débats publics.

Le Ministère de budget a pris de mesures qui vont dans ce sens en favorisant l’information du citoyen :

  • La publication de la loi de finances
  • La production et publication des rapports d’exécution budgétaire chaque trimestre
  • L’élaboration et la publication d’un guide du citoyen de la loi de finances
  • L’élaboration et la publication d’un guide des impôts

 

Toutefois, en plus du débat parlementaire, des informations budgétaires produites et publiées, il serait souhaitable de permettre aux citoyens de :

  • Assister aux audiences sur le budget ou les suivre tant au niveau national qu’au niveau de leurs localités respectives ;
  • Participer à tout événement qui peut leur donner l’occasion de rencontrer leurs responsables lors des travaux communautaires ;
  • Visiter les bureaux des services administratifs les plus proches, par exemple, ceux du quartier ou du district et rencontrer les dirigeants pour recueillir des informations sur les ressources publiques qui leur sont affectées et discuter de leurs préoccupations,
  • D’assister à des « journées budgétaires » qu’organiseraient les départements dont l’objectif est de permettre à chaque Ministère d’échanger sur ses priorités avec les organisations de la société civile spécialisées dans son secteur.

 

 

Mamadou Barry, Économiste, Ph. D

Assistant du Ministre du Budget

Expert en Gouvernance économique 

Chercheur Associé au CLERSE- Université Lille1.

mbarry@mbudget.gov.gn

mamunbar@yahoo.fr

 

[1] Les autres recettes non fiscales sont constituées des recettes administratives et des dons.

[2] Elles sont estimées à plus de 15 474,10 milliards de GNF pour 2018.

[3] Pour 2018, les objectifs en la matière sont formulés comme suit : le maintien du déficit budgétaire et de l’endettement à un niveau raisonnable en pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB).

[4] Les projections budgétaires de 2018 tablent sur un taux de croissance du PIB de 5,8%, un taux d’inflation de 8,2%, un taux de change moyen de 9 610 GNF pour un dollar US et un taux de pression fiscale de 16,21% du PIB.

 

Réflexion autour de la bonne utilisation des ressources publiques guinéennes d’un point de vue économique

Le contexte socioéconomique difficile guinéen appelle à une réflexion sur la gouvernance des ressources publiques. Ce contexte est marqué par des demandes sociales de plus en plus fortes auxquelles les pouvoirs publics cherchent à répondre sans toujours y parvenir de manière efficace. L’objectif de cet article est d’ouvrir le débat sur la manière dont il faut gérer les ressources publiques guinéennes d’un point de vue économique. Les aspects sociaux et politiques sont volontairement ignorés car l’excès de leur prise en compte constitue en mon sens, au moins  en partie, le problème. Le papier appelle donc à une intégration plus importante des critères économiques dans les prises de décisions publiques.

En 2016, la situation de la Guinée, comparée à celle des pays voisins, en termes de productions intérieures brutes (PIB) se présentait comme suit :

Pays PIB (en milliards de dollars) PIB par tête (en dollars)
Guinée 6,299 508,15
Sénégal 14,77 958,07
Mali 14,05 780,51
Côte d’Ivoire 36,16 1526,20
Ghana 42,69 1513,46
Liberia 2,101 455,37
Sierra Leone 3,669 496,05

Source : Banque Mondiale

Les Etats prélèvent, souvent sous forme d’impôts et taxes, une partie de ces ressources pour subvenir aux besoins de populations en termes d’infrastructures et de services publics. On parlera alors de ressources publiques. Des pays comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont  des potentialités de mobilisation de ressources plus importantes comparées à la Guinée. Quant à la Guinée, elle ne dépasse que très faiblement la Sierra-Leone et le Liberia (voir PIB par tête).

Les ressources publiques d’un pays existent pour le bénéfice des citoyens qui cherchent à en obtenir le maximum de satisfaction. Mais quelles règles doivent être suivies pour réaliser une économie efficace et ainsi avoir le plus « gros gâteau » possible ? Comment le gaspillage peut-il être évité ? Bien que complexes, la réponse à ces questions peut être énoncée simplement : Il s’agit de produire au coût le plus bas possible les services et produits réellement demandés par les populations.  

Les biens et services fournis par l’Etat à travers les services publics doivent tenir compte des préférences des individus qui composent la société guinéenne. Dit autrement, l’Etat doit satisfaire des attentes et des besoins, fournir ce qui est réellement demandé. Il n’est sûrement pas recommandable, par exemple, de fournir des sacs de riz importés à coup de subvention à des paysans qui en produisent souvent suffisamment à manger, car le riz ne serait pas créateur de satisfaction ou d’utilité. Plus grave, une telle allocation est source de gaspillage.

Dans un monde caractérisé par des droits de propriété bien définis et des coûts de transaction peu élevés, le commerce est un créateur de richesse. Les paysans qui sont propriétaires de riz (ou plus généralement des produits agricoles) seront heureux de l’échanger contre des produits plus proches de leurs préférences (ce qu’ils n’ont pas ou en produisent très peu) comme des habits, des médicaments, des outils de travail et de confort. Les échanges libres permettent d’accroître la satisfaction de tous les participants en réallouant les produits selon les préférences de chacun. C’est pourquoi, on ne devrait pas s’étonner de voir des militaires revendre leur surplus de riz, des paysans revendre le trop plein d’engrais fournis à des tarifs subventionnés, donc en dessous du prix du marché, par l’Etat.

Si l’efficacité dans la consommation requiert que les biens et services fournis soient réellement ceux demandés par les populations, l’efficacité dans la production des biens et services requiert que les coûts soient le plus bas possibles. Ainsi, pour éviter le gaspillage, il est nécessaire de s’assurer que toute utilisation d’une ressource ou d’un produit entraine un bénéfice au moins égal au coût de cette ressource ou de ce produit. Par exemple si un Kilowatt-heure (KWh) supplémentaire coûte 1450 GNF et qu’il est vendu au prix de 950 GNF, nous sommes en présence d’un gaspillage, la valeur de ce KWh pour les utilisateurs est inférieure au coût de production pour la société. On ferait mieux de les utiliser pour des produits dont la productivité est au moins de 1450 GNF, sinon on détourne l’emploi de facteurs qui valent 1450 GNF vers une production qui en vaut moins, ce qui est un gaspillage[1].

Suivant la même logique, l’Etat devrait être très prudent dans la contractualisation de nouvelles dettes. Un emprunteur s’appauvrit si le taux de rendement du montant emprunté n’est pas supérieur au taux exigé par le prêteur. Il donc important de comparer les valeurs actuelles du rendement ainsi que celles du coût de l’emprunt. C’est pourquoi, il est souvent déconseiller de s’endetter pour financer les salaires ou le fonctionnement de manière générale.

Pour éviter les gaspillages de cette nature, il est nécessaire que l’Etat (Ministères et Etablissements publics) vérifie, à chaque fois qu’une politique  ou action est initiée, que les résultats attendus  valent leurs coûts. Dans une économie décentralisée, chaque agent est libre de choisir son panier de consommation, en fonction des prix relatifs des produits, tout en respectant sa contrainte budgétaire. Cette règle devrait d’une certaine manière valoir pour l’Etat, bien qu’il ne soit pas à confondre aux acteurs privés (entreprise ou ménage). Ainsi, l’absence de gaspillage est assurée par le recours à une tarification au coût marginal. Autrement dit, les décisions doivent tenir compte des prix de marché des biens et services. En conséquence, les décideurs publics devraient ajuster leurs décisions en fonction des vrais coûts qu’entrainent ces dernières.

L’existence d’un tarif domestique inférieur au coût marginal (prix de marché) entraine du gaspillage. C’est le cas dans plusieurs domaines en Guinée : l’électricité, l’éducation ou la santé. Prenons le secteur de l’électricité. Il est vrai que le taux de couverture reste faible. Ceci explique sans doute l’intervention, à l’origine, de l’Etat.  Mais actuellement, le niveau de subvention est tel que les ménages ne sont pas incités à faire des économies dans leur consommation d’énergie. Il n’est pas rare de voir des ampoules allumées en pleine journée. Pire EDG, elle-même, n’est pas incitée à recouvrir efficacement le paiement de ses factures puisque l’Etat la subventionne pour couvrir des charges importantes et parfois compenser la consommation non payée par la population, y compris la composante riche. Il n’est pas bon, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises, qu’il n’y ait aucune dépendance entre la consommation et le prix à payer.[2] La gratuité totale ou les forfaits sont sources de gaspillage.  

Dans le secteur de l’enseignement universitaire, des problèmes semblables existent. Les subventions reçues par les universités n’ont aucun rapport avec les performances des Etablissements. Les étudiants étant disponibles, avec la jeunesse de la population guinéenne, il suffit d’avoir les murs pour « garder les jeunes » pour bénéficier des financements publics. Ces subventions « à vue » des établissements expliquent également, en partie tout au moins, les sérieux problèmes d’inadéquation entre l’offre et la demande dans le domaine de l’éducation. Avec ce mécanisme, les universités ne sont pas incitées à offrir des formations de qualité pour attirer les étudiants.  Toujours dans le système éducatif, les bourses sont affectées aux étudiants sans aucune distinction de catégorie. Aucune évaluation n’est faite pour s’assurer que ce soutien est un besoin pour l’ensemble des étudiants ou que ce soutien a impact sur la performance des étudiants. Les étudiants nécessiteux et ceux dont les familles sont riches sont traités de la même manière. Pourtant, la recherche d’efficacité aurait dû conduire les pouvoirs publics à réallouer les faibles ressources actuelles que sont les bourses en faveurs des plus nécessiteux et des plus performants, c’est à ces conditions que ce soutien aurait un impact.

Toutes les politiques publiques de notre pays doivent être revues pour s’assurer que l’Etat guinéen produit au coût le plus bas possible des biens et services réellement demandés par les populations. Les initiatives actuellement engagées en matière d’informatisation et de transparence budgétaire au sein du Ministère du Budget contribuent à cela.

Aussi, les subventions doivent être ciblées afin de bénéficier aux plus pauvres parmi les guinéens. Ceux qui sont à même de payer leurs carburants, leurs électricités aux vrais prix doivent le faire, autrement c’est du gaspillage. C’est à l’Etat d’inventer la méthode, mais cela suppose que la société civile, les medias, les syndicats sont ouverts à un débat  argumenté.

Sans une utilisation plus productive de nos ressources, la Guinée ne pourra se hisser au niveau de ses voisins et a fortiori émerger.

 

Mamadou Barry, Dr, Economiste.

Assistant du Ministre du Budget

Chercheur Associé au Centre Lillois d’études et

de Recherches Sociologiques et Économiques (CLERSE)- Université Lille1.

[1] En réalité, la différence est couverte par l’Etat grâce aux subventions. Et cette subvention est accordée uniformément à tous les guinéens sans tenir compte des différences de revenus.  Ceci est la fois inefficace et injuste.

[2] Cela explique en grande partie les difficultés budgétaires enregistrées en 2017.